TEXTE ORIGINAL PAR MATT GERDES (SQUIRREL). TRADUCTION PAR ROCH MALNUIT (ROCK DROP).

 

Tout savoir sur le Dacron, le Spectra et le Vectran

Choisir les suspentes dont vous avez besoin sur votre voile de BASE est en fait un processus très simple. Si vous ne voulez pas lire l’article au complet, voici mon seul conseil : si votre voile BASE sera utilisée presque exclusivement pour sauter avec glisseur, et vous voulez pour minimiser le poids et l’encombrement, choisissez alors le Spectra.
Sinon pour presque toutes les autres configurations, le Dacron est la solution.

Que dire d’autre ? Et qu’en est-il du Vectran ? Pour ceux d’entre vous qui veulent connaître le contexte de ce conseil simpliste ou pour ceux qui sont curieux de savoir les caractéristiques précises, voici quelques détails supplémentaires sur les propriétés de chaque suspente.

LE SPECTRA (™ de Honeywell) & LE DYNEEMA (™ de DSM)
Les deux sont des polyéthylènes à poids moléculaire ultra-élevé ou UHMWPE (Ultra-High Molecular Weight Polyethylene).

Spectra est une marque déposée d’un fil fabriqué par Honeywell aux États-Unis. Il est moléculairement identique au Dyneema, qui est fabriqué par DSM. Ce matériel est assez cool, et ça vaut le coup de le savoir. L’Epicène est fabriqué avec du Spectra, et cette suspente est également une option pour la Hayduke.

Le Spectra possède des caractéristiques uniques qui le rendent particulièrement bien adapté à une utilisation sur certains modèles de voiles. Il est solide, léger, n’absorbe pas beaucoup d’eau et a une bonne résistance aux UV. Il vieillit bien, avec un minimum de « peluchage » et est suffisamment stable dimensionnellement pour les voiles de faible performance (qui est le cas de toutes les voiles de BASE).

Voici pourquoi nous l’aimons pour les voiles de BASE :
1. Il est léger et peu encombrant, ce qui fait une différence significative en poids total et en volume par rapport aux suspentes en Dacron. L’avantage ici est évident : chaque gramme compte sur une randonnée de quatre heures, et chaque cm3 de volume est important lorsque vous pénétrer l’air à 180 km/h avec votre conteneur.
2. Il est souple à l’origine et reste souple au fil du temps. Comparé au Vectran, qui devient tout peluché en vieillissant, le Spectra reste plus lisse plus longtemps. Ceci est positif pour les nœuds de tension, qui deviennent plus probables lorsque la friction augmente entre les boucles de suspente pendant le déploiement des suspentes. Le Vectran est plus souple et lisse et permet donc des déploiements de suspentes plus fluides.
3. Il n’absorbe pas beaucoup d’eau. Lorsque vous posez votre parachute dans l’herbe mouillée lors de ce premier saut de la journée et que vous allez le replier, vous ne voulez pas plier les suspentes détrempées dans votre tailpocket, surtout si elles sont velues après une saison d’utilisation. Le Vectran, en comparaison, absorbe plus d’eau là où les vieilles suspentes velues et humides peuvent être un problème au délovage après l’atterrissage dans l’herbe mouillée.
4. En terme de performance, il y a une différence notable de trainée du cône de suspente d’une voile suspenté en Spectra versus en Dacron. La traînée issue des suspentes est suffisamment importante pour affecter même les voiles BASE à faible performance.

Les inconvénients :
1. Son inélasticité.  Le refrain commun « moins d’allongement que l’acier » est inexact. Le Spectra est inélastique par rapport au Dacron, il est également moins résistant en friction. Cela peut être une mauvaise combinaison si votre équipement n’est pas configuré correctement ou si vous n’êtes pas au courant des conditions d’utilisation dont vous avez besoin pour avoir des ouvertures saines.
Est-ce mauvais ? Pas si vous utilisez les suspentes en Spectra pour son usage prévu, qui sont recommandées pour les déploiements avec glisseur et à une vitesse raisonné. Les inconvénients des matériaux peu élastiques pour les suspentes sont à l’origine de nombreuses fausses idées actuelles issue de la vieille école sur les ouvertures, qui ne s’appliquent plus aux équipements modernes. Les conceptions des voiles modernes de BASE sont élaboré en sachant que les suspentes en Spectra vont s’user. Les caractéristiques de conception intentionnelles atténuent les inconvénients et maintenant, après plus d’une décennie d’utilisation dans le domaine, la vérité est que les voiles suspentés en Spectra fonctionnent bien pour les applications avec glisseur haut et de nombreux wingsuiters ne jurent que par le Spectra grâce à leurs avantages. Cela dit, si nous parlons strictement qu’en termes de confort d’ouvertures, le Dacron gagne.
2. Le calage. La plainte courante est la tendance du Spectra est à rétrécir, mais cet argument a une application limitée aux voiles BASE, qui ne sont pas très sensibles à la variation de calage que le Spectra a tendance à subir. L’inconvénient mineur de la stabilité est largement compensé par les avantages de la résistance et de la durabilité qu’offre le Spectra.
3. Le coût. Le Spectra est plus cher que le Dacron, mais chez SQRL, nous ne répercutons pas cette augmentation sur nos clients.

LA FABRICATION DU SPECTRA
Il y a plus de 90% de chances que si vous avez déjà vu du Spectra (parfois appelé « microline ») sur un parachute, il a été fabriqué avec du fil Honeywell, par CSR. Voici comment Frank, le propriétaire de CSR, décrit le processus de fabrication : 

« Le Spectra arrive à notre usine de Honeywell en bobine de fil. Nous chargeons le fil dans la machine à tresser et commençons à tresser une suspente selon une spécification. Tout d’abord, nous tressons environ deux mètres de suspente avec la machine, puis l’arrêtons et coupons la suspente. Cette première tresse de suspente est testée chaque jour selon chaque configuration de machine. Elle est testée en traction avant de continuer. Si, par exemple, nous tressons une suspente de spécification de 450 kg, le test de traction doit montrer une résistance d’au moins 500 kg pour que la production se poursuive. « Nous ne fabriquons pas des cordes à linge », dit Frank, et les procédures de contrôle qualité au CSR sont complètes. Une fois approuvé, la machine continuera à produire environ 1500 mètres de suspente sur une période de 20 heures, qui s’accumule sur une bobine. À partir d’ici, la suspente est acheminée vers une autre zone de l’usine, où Tim (le frère de Frank), supervise le reste du processus. L’étape suivante consiste à pré-tendre la suspente à environ 35 kg, dans un état non traité. Cela stabilise dimensionnellement la suspente afin que sa longueur reste aussi cohérente que possible à travers les cycles de charge inévitables de son utilisation future. Après étirement, un revêtement Uréthane à base d’eau est appliqué, l’excédent est raclé et la suspente est reposée pendant trois jours. Il est ensuite mis sur une autre bobine, étiré une deuxième fois à 35 kg et roulé sur des bobines d’expédition. Avant l’expédition, des sections de suspente sont sélectionnées au hasard pour un deuxième et dernier essai de traction. »

Le fil Honeywell et le processus de fabrication de CSR sont cohérents. CSR rebute très peu de fils, et les tests de suspente tressée entraînent rarement des lots défectueux. Chez Squirrel, nous testons fréquemment des composants construits avec une suspente CSR, tels que des liaisons souples ou une suspente de parachute, et la résistance nominale de CSR a été dépassée à chaque test.

Fait intéressant, plus l’allongement de la suspente est faible, plus l’écart est important entre les tests. Plus l’allongement est élevé, plus il est cohérent avec une plage plus étroite. Par exemple, tester cinq morceaux de suspente Spectra de 1000 lb (450 kg) peut entraîner des défaillances entre 1150 (520 kg) et 1300 lb (590 kg), mais en comparaison une suspente en Dacron, relativement élastique, présente généralement une fenêtre plus petite de 5-8%.

LE DACRON™ (à l’origine DuPont et maintenant INVISTA N.A.)
C’est du polyester ! Et les base jumpers adorent le polyester.


Le Dacron™ bénéficie d’une très longue histoire d’utilisation en parachutisme. Comme le Flubber ou le Plaxmol, vous pouvez le matraquer dans les sens lors des ouvertures et il reviendra à sa forme d’origine de manière assez normale. Il résiste à la chaleur, à une bonne élasticité et est généralement facile à utiliser. Les molécules de Dacron ne sont pas organisées en chaînes aussi longues que le Spectra, ce qui signifie que plus de fil est nécessaire dans chaque tresse pour atteindre la même résistance, donc pour un même poids, il est plus épais.

L’élasticité du Dacron suggère qu’il est plus « indulgent » pendant le processus d’ouverture, ce qui peut nous être bénéfique de plusieurs façons. Il fournit un peu d’absorption des chocs pour les ouvertures musclés. Si vous avez déjà sauté un parachute plié sans glisseur et avec des suspentes Spectra avec plus d’une seconde de délai (ceci n’est pas recommandé, bien évidemment), vous comprendrez cette différence d’élasticité, et c’est difficilement discutable. Donc, pour les sauts glisseurs bas, le Dacron est une évidence et est actuellement le meilleure choix. Pour les ouvertures avec glisseur, ses propriétés d’absorption des chocs s’appliquent également. Bien que l’ouverture du parachute avec le glissement du glisseur sur les suspentes soit le facteur le plus important, un peu de douceur est sans aucun doute un avantage.

Les avantages :
1. C’est élastique. Les ouvertures plus douces sont bonnes lorsqu’elles se produisent avec la même perte altitude.
2. Résistance à l’eau. Les suspentes détrempées ne sont pas un avantage pour les base jumpers, et les zones d’atterrissage sur herbe humide sont fréquentes pour la plupart d’entre nous pendant l’été dans les Alpes. Le Dacron résiste mieux à l’absorption d’eau que le Vectran.
3. Bonne stabilité dimensionnelle. Pas génial, mais meilleur que Spectra. Dans l’ensemble, il s’agit d’un avantage mineur pour les voiles de BASE qui ne sont pas gravement affectés par des changements mineurs de calage.

Les inconvénients :
1. Lourd et volumineux. Oeil pour oeil et grammes pour grammes, le Dacron résiste moins bien, ce qui signifie que nous avons besoin de plus de matière pour atteindre les mêmes caractéristiques de résistance. Cela a des conséquences sur le poids et le volume de pliage.
2. Pas aussi solide que le Spectra, pour le même diamètre.
3. Performance : le Spectra est jusqu’à 40% plus petit en diamètre avec la même résistance, ce qui fait une réelle différence dans les performances de pénétration dans l’air, même sur nos voiles à faible performance et en particulier dans les voiles à performance moyenne. La traînée de suspente est un facteur majeur d’efficacité de la voilure.

LE VECTRAN™ de Kuraray
Polymère à cristaux liquides.
Issu de la famille des matériaux polyester, le Vectran™ est un polymère à cristaux liquides fabriqué au Japon par Kuraray. Le Vectran peut être trouvé sur certaines voiles de BASE, mais nous ne le proposons pas en option chez Squirrel. Bien que nous ne pensons pas que ce soit un mauvais choix, nous pensons que le Spectra est un meilleur choix, atteignant des caractéristiques similaires avec un équilibre plus souhaitable entre résistance, durabilité et facilité d’utilisation. Les gammes Spectra et Vectran sont comparables en termes de poids et de diamètre, mais le Spectra s’use mieux sur le long terme, absorbe moins d’humidité, peluches moins au fil du temps et est généralement plus durable (lorsqu’elle est exposée aux UV, aux tests de flexion, et même aux velcro, le Spectra gagne haut la main). Le Vectran bat le Spectra dans une seule catégorie : la stabilité dimensionnelle pour le calage.

Les avantages :
1. Calage. Vectran est très stable dimensionnellement, ce qui signifie qu’il n’a pas tendance à rétrécir ou à s’étirer avec le temps. Mais cet avantage est minime pour l’utilisation en BASE.

Les inconvénients :
1. Peluchage. Les suspentes qui peluchent ont un frottement plus élevé. Notre avis est qu’il est préférable que les suspentes restent lisse lors du delovage.
2. Faible résistance aux UV. Ce n’est pas un gros inconvénient, mais cela peut être important selon la façon dont votre parachute est traité.
3. Absorption d’eau. Les suspentes en Vectran usagées peuvent être décevantes lorsqu’elles sont humides. Mouillé, poilu, molles… Ça n’inspire pas confiance, non ? Les suspentes dans cet état ne se déploient pas facilement à partir de la tailpocket. La diminution des performances de déploiement est difficile à mesurer, mais les preuves disponibles sont suffisantes pour nous pousser à préférer le Spectra.
4. Le Vectran est « cassant » et difficile à inspecter. La base de polymère à cristaux liquides à partir de laquelle le Vectran est fabriqué est une molécule craquelée qui échoue de manière spectaculaire et brutale, et les signes d’usure ne sont pas toujours évidents à identifier.

LE HMA TECHNORA ™ de Teijin Aramid.
Aramide à haut module (para-aramide).
Nous avons affaire à Teijin et à ses filiales parce que nous commandons des matériaux para-aramide et du tissu Teijin-Frontier, et avons étudié des tissus tissés en fibre d’aramide pour nos applications en wingsuit. Le Technora est un excellent matériau avec des applications bien au-delà de la suspente de parachute. Il s’agit d’une fibre de copolymère qui est huit fois plus résistante que l’acier, avec une excellente résistance à la chaleur, aux UV et aux produits chimiques. Il est dimensionnellement stable, ce qui le rendait attrayant pour le suspentage des voiles hautes performances dans le passé, mais il n’est plus aussi populaire qu’il semblait l’être … encore une fois, une catégorie de voile qui ne correspond pas à celles pour le BASE.

TECHNORA n’a pas encore trouvé d’application dans le BASE, car il ne semble pas offrir d’avantages significatifs par rapport au Spectra ou au Vectran, même si son diamètre est plus petit et les propriétés d’allongement ne sont pas moins bonnes que le Spectra ou le Vectran dans la catégorie des ouvertures. Un inconvénient important est qu’il a la réputation d’être plus fragile que les autres types de suspentes, car il est plus susceptible de se dégrader lorsque les fibres sont exposées à la saleté dans laquelle les base jumpers ont tendance à jouer.

LES OEILLETS DU GLISSEUR CHAUFFENT-ILS LES SUSPENTES EN SPECTRA ?
En bref, non !
C’est l’un des mythes les plus courants en parachutisme : « le Microline » (Spectra ou UHMWPE), rétrécit au fil du temps en raison du frottement répété des œillets du glisseur descendant le long des suspentes. On dit que c’est la principale cause de la perte du calage des voiles en parachutisme. On dit aussi que c’est la raison pour laquelle les suspentes extérieures rétrécissent par rapport aux groupes de suspentes plus centrales est due au frottement du glisseur. Cette sagesse conventionnelle, est-elle vraie ? Eh bien, pas selon les ingénieurs qui fabriquent cette molécule et la tressent en cordon.

Il y a deux faits basique sur la gamme des UHMwPE qui contredisent le dicton populaire : « l’échauffement’ des œillets du glisseur provoque un rétrécissement » :
1. Le Spectra ne s’étire que lorsqu’il est chauffé et chargé en même temps.
2. Par contre, la suspente en Spectra se rétrécit lentement avec le temps, indépendamment de la chaleur appliquée, à moins qu’elle ne soit chargée et étirée périodiquement.

Il y a un fait fondamental sur les ouvertures de parachute qui contredit le dicton populaire :
1. La quantité de chaleur générée par les œillets du glisseur sur les suspentes n’est pas suffisante (Selon Honeywell !) pour affecter la suspente UHMwPE, et la chaleur générée est en grande partie retenue par l’œillet en lui-même.

Simon Perriard, expert en matériaux pour SQRL, déclare :
« Ce n’est pas la chaleur, mais « moins d’étirement » au fil du temps qui cause les différences de longueur sur la durée d’une voile. L’effet est mineur sur les parachutes de BASE qui ont des ouvertures relativement fortes, car pendant la phase d’ouverture, vous avez une charge plus uniforme répartie sur l’envergure et la corde. Cette charge est suffisamment importante pour rétablir correctement l’ensemble de la longueur des suspentes par elles-mêmes. C’est beaucoup plus problématique sur les parapentes par exemple, car le manque de force lors de la séquence d’ouverture fait que les groupes de suspentes C et D rétrécissent beaucoup plus que les suspentes issues du groupe des avants qui plus chargées (même lorsque nous utilisons des suspentes de différents diamètres pour repartir la charge sur chaque suspente proportionnellement).

En raison des cycles de charge et de relâchement, des écarts de longueur apparaissent sur les suspentes. L’effet spécifique de l’UHMwPE est appelé déformation par fluage, et bien que le phénomène primaire au sens littéral (rétrécissement ou allongement au niveau intramoléculaire) ne soit qu’une partie de l’histoire, son effet macro fait rétrécir la tresse dans des proportions importantes en raison du déplacement des fils les uns par rapport aux autres lorsque la suspente est déchargée et manipulée, combinée à une friction inter-fils qui augmente lentement lorsque la suspente accumule de la poussière pendant sa durée de vie ».

En termes simples, les suspentes centrales de votre parachute (celles qui subiraient comme on pourrait l’imaginer le moins de « friction » sur les oeillets) subissent en fait des charges plus élevées que les suspentes les plus à l’extérieure de votre parachute. Elles sont chargées en premier, et plus longtemps, lors de la phase d’ouverture. Le chargement supplémentaire du base jumper « réétire » les suspentes dans cette partie de la voile, tandis que les suspentes extérieures sont moins chargées. Les suspentes extérieures sont considérées comme « rétrécies » par rapport aux groupes de suspentes centrales, mais ce n’est pas à cause de la chaleur, c’est plutôt à cause d’un manque de « ré-étirement » constant par rapport aux suspentes centrales.